Chronique : Quel rôle joue les croyances dans le Shiatsu ?
Auteur : Publié le 05/09/2025 à 11h45 -C’est une marotte qui me taraude depuis plusieurs années ; celle de certaines idées reçues autour du shiatsu. Elles sont si nombreuses qu’il me paraissait opportun en cette rentrée scolaire 2025 d’expliquer enfin d’où elles viennent. L’une des principales confusions entretenues sur ce que serait le Shiatsu, repose sur les croyances.

La liberté de croire...
Croire ou ne pas croire. Nous sommes libres de croire ou de ne pas croire.
Pratiquer ou ne pas pratiquer. Nous sommes libres de pratiquer ou de ne pas pratiquer.
Non rassurez-vous, je ne vais pas rédiger une chronique sur la fameuse loi française de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État codifiant la laïcité.
Je vais vous parler de mon métier et du rôle majeur des croyances dans la pratique corporelle du Shiatsu.
Débutons la chronique en définissant le mot croyance.
Qu’est-ce qu’une croyance ?
Une croyance est une idée ou une conviction qu’une personne considère comme vraie, même sans preuve scientifique ou démonstration certaine.
On peut la définir sous plusieurs aspects :
Philosophique :
- C’est une adhésion de l’esprit à une idée, souvent sans certitude absolue.
- Exemple : croire que l’être humain est fondamentalement bon.
Religieux/spirituel :
- C’est la confiance en des vérités liées à une foi ou une tradition.
- Exemple : croire en Dieu, en la réincarnation ou au karma.
Psychologique :
- Les croyances sont des représentations mentales qui guident nos comportements et nos décisions.
- Exemple : croire qu’on n’est « pas capable » peut influencer la réussite.
Une croyance est ainsi une sorte de vérité subjective, qui structure notre vision du monde, sans nécessairement reposer sur des faits vérifiables.
Une croyance est une conviction personnelle, sans certitude absolue, qui agit comme un filtre psychologique influençant nos pensées, nos émotions et nos comportements.
Les croyances psychologiques :
Le lien entre croyance et psychologie est étroit, car les croyances jouent un rôle central dans le fonctionnement de l’esprit humain. Voici les principaux points :
Schémas mentaux et perception
- Les croyances agissent comme des filtres : elles influencent la façon dont on interprète le monde.
- Exemple : si je crois que « les gens sont hostiles », je vais percevoir plus facilement les signes d’agressivité.
Comportements et décisions
- Nos croyances conditionnent nos choix quotidiens, même sans preuve.
- Exemple : croire en sa réussite augmente la motivation et les chances d’y arriver (effet placebo / self-fulfilling prophecy).
Santé mentale
- Certaines croyances soutiennent l’équilibre psychologique (croyance en ses capacités, en un avenir meilleur).
- D’autres, au contraire, peuvent générer de l’anxiété, de la culpabilité ou des blocages (croyances limitantes).
Thérapies psychologiques
- Des approches comme les thérapies cognitives et comportementales (TCC) travaillent directement sur les croyances, notamment les pensées irrationnelles ou négatives, pour les transformer en croyances plus aidantes.
En bref, la psychologie considère les croyances comme des moteurs invisibles de nos émotions, de nos comportements et de notre santé mentale.
Elles sont comme des « programmes internes » qui structurent notre manière de penser, de ressentir et d’agir. On peut les classer en plusieurs grandes catégories :
Croyances fondamentales
- Elles concernent l’image de soi, des autres et du monde.
- Exemples : « Je suis digne d’amour », « Le monde est dangereux », « Les gens sont fiables ».
Croyances intermédiaires
- Règles, hypothèses et attitudes qui découlent des croyances de base.
- Exemples : « Si je fais des erreurs, on va me rejeter », « Je dois toujours être fort ».
Croyances positives
- Elles soutiennent le développement et la résilience.
- Exemples : « J’ai les ressources pour m’adapter », « J’apprends de mes échecs ».
Croyances limitantes (négatives)
- Elles freinent la confiance et l’action.
- Exemples : « Je ne mérite pas de réussir », « Je ne suis pas assez intelligent ».
En résumé, les croyances dans la psyché fonctionnent comme des repères invisibles : elles peuvent être aidantes (positives) ou bloquantes (limitantes).
Regardons maintenant comment les croyances ont construit la célèbre médecine millénaire chinoise.
En médecine traditionnelle chinoise (MTC), les croyances sont plutôt des principes philosophiques et énergétiques qui structurent la compréhension du corps et de la santé :
Le Qi (氣)
- Énergie vitale qui circule dans le corps par les méridiens.
- La santé dépend de son équilibre et de sa bonne circulation.
Le Yin et le Yang
- Deux forces opposées et complémentaires (froid/chaud, repos/activité, intérieur/extérieur).
- La maladie résulte d’un déséquilibre entre Yin et Yang.
Les Cinq Éléments (Wu Xing)
- Bois, Feu, Terre, Métal, Eau.
- Ils représentent des cycles de transformation qui relient organes, émotions, saisons et saveurs.
L’unité corps-esprit
- Pas de séparation stricte : émotions, pensées et santé physique sont interconnectées.
- La prévention avant le traitement
- Maintenir l’équilibre par l’alimentation, la respiration (Qi Gong), l’acupuncture, les plantes médicinales, les massages Tuina
La médecine chinoise et ses branches composantes reposent sur les visions suivantes :
Vision cosmologique et énergétique
- La MTC repose sur la notion de Qi (énergie vitale) et sur les forces opposées mais complémentaires du Yin et du Yang.
- Ces concepts ne sont pas seulement physiologiques : ils sont métaphysiques, c’est-à-dire liés à une croyance dans un ordre naturel et énergétique de l’univers.
- Les praticiens croient que l’équilibre du Qi et du Yin-Yang influence directement la santé, ce qui relie le soin à la perception du monde et à la philosophie.
Lien corps-esprit
- La MTC considère que le corps et l’esprit sont indissociables.
- Les émotions et les pensées peuvent provoquer des déséquilibres énergétiques : colère → foie, peur → reins, tristesse → poumons, par exemple.
- Cette approche repose sur la croyance que l’esprit et le corps interagissent de manière subtile, contrairement à une vision biomédicale occidentale qui sépare bien souvent le psychique et le physique.
Rituels et pratiques symboliques
- Certaines pratiques de la MTC (acupuncture, moxibustion, massages, phytothérapie) incluent des gestes, des points et des herbes spécifiques chargés de sens symbolique et spirituel.
- Par exemple, stimuler un point d’acupuncture ne vise pas seulement une réponse physiologique, mais aussi l’harmonisation du Qi selon la théorie des méridiens, ce qui implique une croyance en la circulation énergétique invisible.
Médecine préventive et harmonisation
- La MTC valorise la prévention et l’harmonie avec les cycles naturels (saisons, alimentation, sommeil).
- Cette approche repose sur la croyance que la santé dépend de l’adaptation à la nature, non seulement de traitements ponctuels.
- Les maladies sont perçues comme des signes de déséquilibre cosmique ou énergétique, et non seulement comme des anomalies biologiques.
Dimension spirituelle et morale
- La médecine chinoise traditionnelle est liée à des valeurs philosophiques issues du Taoïsme, Confucianisme et Bouddhisme : respect de la nature, modération, équilibre, introspection.
- La croyance en ces principes guide à la fois le praticien et le patient dans le processus de soin.
Le lien entre croyance et médecine chinoise est ainsi central.
La MTC est un système de pensée où la santé physique, mentale et spirituelle est connectée à un ordre cosmique et énergétique.
La pratique et l’efficacité de la MTC reposent sur l’adhésion à ces croyances, ce qui différencie cette approche d’une médecine purement scientifique occidentale.
Le Tuina n’est pas du Shiatsu !
L’une des idées reçues dans le shiatsu est qu’il viendrait du Tuina. Le Shiatsu serait ainsi une sorte de Tuina japonais.
Cette idée est fausse.
Savez-vous qu'au Japon les Tuina sont désignés comme les massages Suina, en kanji et en hiragana 推拿(すいな)マッサージ
On parle clairement des massages corporels chinois en kanji 中国式マッサージ pour nommer les massages Tuina (Suina) donc ceux venant de Chine ; cela comprend leur spécificité culturelle. Ici les notions de MTC prennent tout leur sens !
Le Shiatsu comme méthode de massage par pressions existait déjà dans les anma ou les massages traditionnels japonais avant l’exportation de méthodes chinoises au Japon.
Le Shiatsu était l'une des techniques incorporées aux massages utilisés à la fois pour évacuer la fatigue d’une manière générale dans un corps humain, pour réduire les douleurs et sans doute dans une vision plus globale pour maintenir sa santé.
Le Shiatsu est une pratique thérapeutique japonaise basée sur la pression des doigts et des paumes sur des points spécifiques du corps pour stimuler l’énergie vitale et favoriser le bien-être.
L’ajout des mentions que les fondements du shiatsu reposent sur des croyances issues principalement de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) mais adaptées à la culture japonaise sont en réalité postérieures au shiatsu lui-même. Même si elles sont difficilement datables, elles sont récentes sans doute au 18ème siècle.
Voici les principales croyances et concepts associés dans le lien non fondé du Shiatsu et de la MTC :
Énergie vitale (Ki)
- Le Shiatsu repose sur la notion de Ki (équivalent du Qi en chinois), une énergie vitale qui circule dans le corps.
- La santé dépend de la libre circulation du Ki. Les blocages ou déséquilibres peuvent causer fatigue, douleur ou maladie.
Canaux énergétiques (méridiens)
- Le corps contient des méridiens ou lignes énergétiques par lesquels circule le Ki.
- Le praticien exerce des pressions sur des points spécifiques le long de ces méridiens pour libérer les blocages et harmoniser l’énergie.
Équilibre corps-esprit
- La santé est considérée comme un équilibre entre le corps et l’esprit.
- Le Shiatsu vise non seulement à soulager les tensions physiques mais aussi à améliorer l’état émotionnel et mental.
Auto-guérison
- Le Shiatsu croit dans la capacité du corps à s’auto-guérir lorsque l’énergie circule librement.
- Les pressions et mobilisations aident simplement le corps à retrouver son équilibre naturel.
Prévention
- Le Shiatsu n’est pas seulement curatif, mais aussi préventif : il favorise la détente, réduit le stress et maintient le bien-être général.
Relation holistique
- Chaque symptôme ou douleur est vu comme un déséquilibre global, et non seulement comme un problème localisé.
- Le traitement s’intéresse donc au corps dans sa globalité.
Pour que le shiatsu soit reconnu par le Ministère de la Santé comme méthode à part entière, des japonais ont dû faire l’effort de s’abstraire de toutes ces croyances philosophiques et culturelles. Ils ont alors notamment étudié l’anatomie et la physiologie afin d'établir des liens concrets entre le fonctionnement du corps humain et les effets du massage manuel Shiatsu.
Le but était bel et bien de mieux comprendre comment fonctionne réellement le shiatsu. Ni plus, ni moins.
Dans toute méthode, médicale ou non, conventionnelle ou non, les croyances ont leur pouvoir et leur rôle.
Pour expliquer comment le shiatsu agissait, il a fallu réduire le « poids » de la croyance pour laisser place à l’action mécanique des pressions qu’elles soient exercées avec les doigts, les mains ou les coudes.
Ainsi, cela valorise la méthode comme outil de relaxation.
Et ce avec la possibilité de définir et de mesurer : sur quoi agit-il et comment agit-il ?
Sans définition et sans mesure, le champ devient libre pour les croyances et les romances, le charlatanisme et les dérives sectaires pointent alors rapidement le bout de leur nez…
C'est ce que j'appelle : « le domaine de l’illusion intellectuelle »
On le voit malheureusement parfois dans notre profession au niveau de l’enseignement, de la formation ou de professionnels formés.
Certains peuvent vite dire tout et n’importe.
Comme rien n'est défini et comme on ne peut ni mesurer, ni prouver, ni démontrer, alors on peut tout dire !
Ceux qui disent que le Shiatsu repose sur les principes de la MTC savent-ils que la MTC utilise elle-même un modèle symbolique fermé sur lui-même ?
Par exemple, lorsqu'une personne est fatiguée, on dit dans le jargon énergétique (cf méridiens, énergie, etc.) que c’est la rate ; si elle digère mal, c’est encore la rate ; si elle a du mal à se concentrer, idem.
C’est une forme de tautologie.
Ainsi, le même symptôme peut être « rattaché » à plusieurs organes :
- Vous êtes fatigué ? On dit que c'est la rate (méridien de la rate)
- Mais aussi le foie (en stagnation) ou les reins (en vide) ou l'estomac (en faiblesse) ou les poumons (en vide de qi), etc.
Les relations comme « fatigue = rate » sont des métaphores fonctionnelles issues de traditions anciennes.
Certes, la MTC n’est pas pour autant une « arnaque » systématique sauf si :
- On prétend que ces liens sont scientifiquement établis.
- On exclut d’autres causes possibles, y compris physiologiques, psychologiques ou environnementales.
- On empêche le client/patient d’aller consulter un professionnel de santé conventionnel.
La frontière entre tradition, intuition et pseudo-savoir peut être floue.
Ce n’est pas la notion de méridien ou de rate énergétique qui est problématique en soi mais ce qu’on en fait et surtout comment on le présente.
Voyons maintenant comment les croyances touchent à tous les domaines de la vie humaine.
Croire change les choses !
Voici quelques exemples concrets où croire change réellement l’issue des choses :
Études et apprentissage
- Cas : Un étudiant croit qu’il peut réussir un examen difficile.
- Effet : Sa confiance l’encourage à réviser régulièrement, à demander de l’aide quand il bloque, et à rester concentré. Même si le cours est difficile, cette attitude augmente fortement ses chances de succès.
- Conclusion : La croyance active ses actions et sa persévérance.
Sport et performance
- Cas : Un athlète se fixe comme objectif de battre son record personnel.
- Effet : Croire en sa capacité le pousse à s’entraîner plus efficacement, à mieux gérer le stress lors de la compétition et à rester motivé malgré les échecs.
- Conclusion : La croyance nourrit la discipline et la concentration, deux clés de la réussite sportive.
Relations humaines
- Cas : Tu crois qu’une personne peut changer ou s’améliorer.
- Effet : Cette croyance te fait agir avec patience et encouragement, ce qui augmente les chances que cette personne adopte effectivement de nouveaux comportements.
- Conclusion : La croyance modifie la manière dont tu interagis, influençant directement les résultats.
Créativité et projets
- Cas : Un entrepreneur croit fermement en une idée innovante.
- Effet : Cette confiance l’incite à chercher des financements, à tester des prototypes, à persévérer malgré les refus.
- Conclusion : Croire dans le projet augmente les chances de concrétiser quelque chose qui aurait semblé impossible à d’autres.
Sur le plan scientifique et cérébral de la croyance ?
La croyance active des zones spécifiques du cerveau
- Croire en quelque chose stimule le cortex préfrontal, qui est la zone liée à la planification, à la prise de décision et à la résolution de problèmes.
- En croyant en un objectif, le cerveau devient plus attentif aux informations et opportunités pertinentes, ce qui augmente les chances d’agir efficacement.
La dopamine : le carburant de la motivation
- La croyance positive déclenche la libération de dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir, à la motivation et à la récompense.
- Plus tu crois que tu peux réussir, plus ton cerveau anticipe une récompense, ce qui te pousse à agir et à persévérer.
Effet placebo et réponse physiologique
- Même en médecine, croire qu’un traitement fonctionne peut modifier la chimie du corps : réduction de la douleur, baisse du stress, amélioration de certaines fonctions immunitaires.
- C’est un exemple concret de la phrase « il faut croire pour que cela marche » : la croyance déclenche un véritable effet biologique.
Renforcement des comportements positifs
- La croyance crée un cercle vertueux : croire → agir → réussir → renforcer la croyance → agir encore mieux.
- Sans cette croyance initiale, il est plus difficile de maintenir l’effort nécessaire pour atteindre un objectif.
En conclusion :
La croyance fonctionne comme un moteur invisible : elle façonne ton comportement, te rend plus attentif aux opportunités, et attire souvent le soutien d’autres personnes. Sans cette croyance, même une bonne idée ou un talent peut rester inexploité.
La croyance n’est pas magique, mais elle déclenche des mécanismes cérébraux et corporels qui augmentent concrètement les chances de succès.
Dans votre pratique professionnelle :
Vous êtes libre de croire ou de ne pas croire.
Vous êtes libre de croire en ce que vous faites.
Vous êtes libre de laisser vos clients dans leur zone de confort de croyance.
Vous êtes libre de partager et essayer de convaincre vos clients à vos croyances.
Mais vous êtes aussi libre d’expliquer comment fonctionnent ses croyances.
Et en tant que professionnel du shiatsu, vous êtes aussi responsable de vos actes et de vos propos 😊
©Shiatsu France (AI)
©Antoine Di Novi
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