Chronique Mission Shiatsu pour soutenir les soignants
Auteur : Publié le 04/05/2020 à 17h15 -Depuis plusieurs années, l’Association Internationale de Shiatsu Traditionnel propose aux élèves de l'Ecole de Shiatsu Thérapeutique dirigée par Bernard Bouheret de participer à des ateliers pratique dans des hôpitaux de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris. Cela donne aux élèves l'opportunité de pratiquer sur des personnes de l’extérieur et cela permet au personnel soignant de profiter des bienfaits de la fameuse technique manuelle japonaise.
Bonjour, je suis Barbara praticienne en shiatsu et ancienne élève de l’EST. Je partage ici une chronique sur nos missions de shiatsu effectuées dans les hôpitaux de Paris et notamment à l'intention des personnels soignants largement sollicités actuellement.
Parmi les hôpitaux de renom où le shiatsu est pratiqué : Cochin, Necker, Broca, la Pitié-Salpêtrière.
Avant le confinement
Il y a 5 ans alors que j'étais en 4ème année, j'ai repris la gestion des ateliers déjà existant à l’hôpital COCHIN. Cette démarche était pour moi naturelle. Contribuer à ces ateliers constituant une formidable chance de progresser lors de son apprentissage.
Sur le terrain, les stagiaires donnent des soins shiatsu à l'hôpital COCHIN 2 fois par semaine, les après-midis de 14h à 18h, à raison de 5 praticiens par heure.
C'est bien entendu une sacrée expérience pour les étudiants. Mais le personnel de l’hôpital est lui aussi très enthousiaste déplorant même chaque année l’arrêt de ces ateliers durant la période estivale.
Lors de la deuxième semaine du mois de mars 2020, soit quelques jours avant la décision gouvernementale de confinement, les hôpitaux nous ont demandé d’arrêter tous les ateliers ; estimant que cela représentait un trop grand risque pour la santé des élèves et du personnel soignant.
Pendant le confinement
Mais dès le début du mois d'avril, l’AP-HP a mis en place un espace bien-être nommé « la Bulle » ceci afin de soulager le personnel soignant rapidement au front contre cette épidémie soudaine ! Les premiers signes d'épuisement physique et moral se manifestant. Cette bulle où l'on propose viennoiseries et boissons chaudes mais aussi séances de kiné de 15 min, séances d’activité sportive modérée et de la sophrologie. Puis le 10 avril, l’AP-HP nous demande si on peut compléter cette Bulle avec l'apport de shiatsu. Avec des séances quotidiennes week-end compris ! D'abord dans les hôpitaux Necker et Cochin puis très vite à l'Hôtel-Dieu.
J’ai pris en charge l’organisation pour Cochin et Hôtel-Dieu ; la personne qui s’occupe des ateliers à Necker en temps normal continuant sur cet hôpital.
Au vu du contexte exceptionnel, j'ai eu peur de ne pas trouver suffisamment de volontaires mais dès l'appel lancé aux étudiants, j’ai reçu pléthore de réponses positives, si bien que j’avais même trop de volontaires par rapport au besoin !
Cet engouement et ce courage des élèves prenant un risque m’a énormément touchée. Quel bel élan positif en cette période si sombre et anxiogène ! L’équipe AP-HP est profondément émue et reconnaissante par cette démarche collective.
Pour protéger autant nos élèves que le personnel soignant, nous avons mis en place des consignes sanitaires. L'AP-HP fournissant masques et gels hydro-alcooliques à chaque séance. Les praticiens amenant quant à eux draps pour recouvrir les tapis déjà sur place, tenuguis et tenues spécifiques pour donner le shiatsu sans oublier de les laver aussitôt rentrés chez eux.
Le temps de regrouper les élèves volontaires, mettre en place les consignes sanitaires, les plannings, la communication au sein de l’hôpital et les inscriptions, nous avons donné nos premiers Shiatsus à Cochin le jeudi 16 avril. Pour respecter la distanciation, nous avions 2 praticiens dans la grande salle allouée donnant chacun 2 shiatsus entre 19h30 et 21h. Les inscriptions ont été très vite complètes.
A Hôtel-Dieu, nous avons commencé le lundi 20 avril, à raison aussi de 2 praticiens donnant 2 shiatsus entre 13h30 et 15h. L’enthousiasme du personnel soignant a été tel que nous sommes passés à 3 praticiens dès la semaine suivante (la taille de la salle le permettant selon le conseil d’hygiène, contrairement à Cochin qui était pourtant aussi demandeur). Alice l'une des élèves volontaires m’a proposé son aide pour l’organisation avec cet hôpital parce que cela demande énormément de temps. Alice gère le quotidien d’Hôtel-Dieu, moi, le quotidien de Cochin et je continue de centraliser pour les informations générales communes aux 2 hôpitaux.
Les soignants qui viennent recevoir ont tous dit à nos élèves qu’ils étaient à bout et qu’ils avaient besoin d’aide. Et étant donné les inscriptions et les commentaires des soignants, nul doute que nous les soulageons un peu de leur fardeau.
Une infirmière du service réanimation de Cochin par exemple répondant au shiatsushi qui lui demandait en début de séance ce qu’il pouvait faire pour elle : « Aidez-moi à me vider, je n’en peux plus, et faites-moi dormir ». Pendant le shiatsu, elle a déjà commencé à se détendre. Le praticien a senti sa respiration se calmer et le cœur s’ouvrir au fur et à mesure de la pratique. Elle a fini par s’assoupir. En fin de séance, l’infirmière s’est relevée en disant : « ça fait tellement longtemps ! Merci ».
Certains soignants ont des larmes qui coulent dès le début des séances. Ce moment leur permet de décompresser, de se sentir considéré et plusieurs ont exprimé que ça leur permettait de lâcher ce qu’ils avaient accumulés jusqu’alors et que ça leur redonnait de l’élan pour la suite.
Une secrétaire au Centre du Sommeil d’Hôtel-Dieu, qui disait en début de séance être dans un état de "pression interne", confie après le shiatsu : « Quand j'étais sur le ventre, à un moment donné, j'étais partie et j’avais l’impression d’être dans une pièce avec des bougies tout autour de moi, et je respirais tranquillement ». Elle disait cela avec un grand sourire, les traits détendus, calme et souriante.
Une infirmière, affectée au SAU (Service d’Accueil des Urgences) pendant cette période, (habituellement, elle travaille en Hôpital de jour) se sent dans un état de pression constante, elle évoque des douleurs dorsales et des réveils nocturnes. Après le shiatsu, elle dit à son praticien : « Dès que vous avez mis les mains au niveau de mes trapèzes au tout début du shiatsu, j'ai lâché… J'ai lâché prise». Et elle conclue par « Merci pour tout ce que vous faites pour nous !».
Une urgentiste, accidentée de la route il y a quelques années, avec multiples fractures et perte partielle du nerf circulaire, a versé une larme en fin de séance, soulagée, pour un temps, de ses douleurs récurrentes et tensions du moment. Elle a trouvé cette séance plus efficace que ce qu'elle avait pu connaître depuis son accident (osteo/kiné).
Une autre urgentiste avait la timidité de la découverte en arrivant, un peu suspicieuse. Elle s’est endormie dès la fin de la première chaîne de vessie. Après lui avoir fait les points du crâne, le praticien l’a invité à s’assoir en basculant sur le côté pour qu’elle épargne ses lombaires, elle s’est alors mise en position fœtale et s’est rendormie… Avant de repartir elle a dit que ça lui faisait du bien d’être en elle, de se ressentir, d’être comme dans une bulle et qu’elle s’apercevait à quel point elle s’était oubliée ces derniers temps…
Des témoignages du personnel soignant gratifiants !
Pratiquement tous ceux qui sont venus recevoir ne connaissaient pas le shiatsu (n’étant pas aux mêmes horaires que nos ateliers habituels, même à Cochin nous n’avons pas à faire aux mêmes personnes) mais tous sont ressortis conquis :
« J'ai senti que vous m'avez donné de l'énergie malgré mes réticences. »
« Je ne m'attendais pas à ça : j'ai l'impression que cela a calmé mes angoisses. »
« C’est un grand soulagement que l’on prenne soin de nous »
Beaucoup de « merci du fond du cœur », « merci d’être là pour nous », « cela fait beaucoup de bien », « on se sent mieux » que ce soit de la part de cadres, d’infirmières, d’aides-soignants ou autres.
Les encadrants de cette Bulle nous ont eux-mêmes adressés des remerciements touchants :
Dr Hervé Lefèvre, Médecin Hospitalier – Pédiatre – Maison de Solenn, Coordinateur des équipes « AVEC » et de la Bulle de Cochin Port Royal : « Bonjour Madame, un grand merci à vous et à votre équipe pour permettre aux équipes soignantes de pratiquer du Shiatsu très très apprécié à la Bulle de Port Royal »
Charlotte Cardin, Directrice des Ressources Humaines adjointe, AP-HP.Centre – Université de Paris : « Merci pour tout ce que vous faites, vous embellissez le quotidien de nos professionnels en cette période difficile ! »
Bien que le contexte soit difficile, c’est une superbe expérience qu’elle nous a permis de vivre. J’ai été surprise du nombre d’élèves volontaires qui m’ont appelée pour me dire « Merci »… « Ce sont des moments intenses, et nous percevons concrètement à quel point nous avons choisi la bonne voie. Grâce au shiatsu, nous sommes à notre place ». Et comme j’ai répondu à chacun d’entre eux : « Merci à vous, de votre présence, votre implication et votre bienveillance, c’est ce qui donne de la puissance à votre Shiatsu ».
L’AP-HP a décidé de continuer la Bulle pendant plusieurs semaines, parce que ce n’est pas parce que le confinement se termine que le personnel soignant n’est plus submergé et bien-entendu, l’AIST suit le mouvement et nous continuerons à donner des shiatsus sur le même rythme.
Barbara LE CORRE
Praticienne de Shiatsu à Massy
07 82 70 30 68
barbara.shiatsushi@gmail.com
Aidée d’Alice OLLAGNON
Professeur de Yoga et praticienne de Shiatsu à Paris et à Saint-Etienne
06 61 59 73 64
alice.ollagnon@gmail.com
Merci aux praticiens qui participent à cette mission (par ordre alphabétique) : Nadia BEAUDOIN, Claudie BOURGEOT, Aurelien COQUILLAUD, Cécile CORNET, Eric ELIAZORD, Frédéric FONTAINE, Mathilde GUILLERME, Nicolas JARDRY, Caroline LABROSSE, Elodie LAMBOLEY, Claudia MOSLER, Jean PAURON, Jean-Marc POZZI, Véronique SOLER, Samuel TAGLIONI.
Et d’avance merci à ceux qui viendront prendre le relais après le confinement quand les premiers n’auront plus les mêmes disponibilités.
Et bien entendu, merci à notre Sensei, Bernard BOUHERET, sans qui aucun de nous ne vivrait ce moment.
Le cloitre de l’hôpital COCHIN où se situe la salle dans laquelle on donne les shiatsus
Claudia MOSLER terminant son shiatsu
Disposition des tapis dans la salle de la Bulle à l’hôpital COCHIN
L’accès vers la salle de l’hôpital HOTEL-DIEU
Disposition dans la salle de la Bulle à l’hôpital HOTEL-DIEU
Jean PAURON dernière manœuvre du shiatsu
Claudie BOURGEOT donnant un shiatsu
Samuel TAGLIONI donnant un shiatsu
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