La Médecine Traditionnelle Chinoise comme source du shiatsu ?
Auteur : Publié le 19/09/2021 à 14h53 -Aux USA et en Europe, certaines informations sémantiques à propos du shiatsu circulent à satiété. Parmi les verbiages récurrents, le shiatsu est une technique ancestrale énergétique issue de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Précisons avant tout que même si le shiatsu a sans doute des racines lointaines dans certains de ses aspects techniques, il n'est pas vraiment ancestral mais plutôt une synthèse manuelle contemporaine. Ajoutons ensuite que la célèbre médecine traditionnelle chinoise qui a fourni des fondements majeurs notamment politiques et philosophiques à la médecine orientale surlaquelle repose notamment le shiatsu des méridiens n'est quant à elle pas tout à fait traditionnelle. C'est donc ce dernier point que nous allons développer dans cet article.
Définition sommaire de la médecine chinoise
La médecine chinoise est un système médical savant qui s’est développé en Asie orientale sur une durée de plus de deux mille ans en conservant, d’une part, une assez remarquable continuité épistémologique et qui continue à prendre en charge un nombre important de patients. Médecine institutionnelle en Chine et dans quelques autres pays, elle est la seule alternative à la biomédecine occidentale qui dispose d’un système d’enseignement universitaire, d’institutions de recherche académique et d’hôpitaux dédiés à sa pratique.
La médecine chinoise est née et s’est développée en Chine, et sous des formes assez proches, dans plusieurs pays de l’Asie orientale pendant une période de plus de deux mille ans. Elle a acquis, dans différents états, un statut institutionnel comparable à celui de la biomédecine occidentale mais en marge de celle-ci. Si cette intégration au monde universitaire et hospitalier s’est accompagnée de changements dans les modes de transmission de la connaissance médicale et dans les formes de la pratique clinique, les références permanentes au corpus savant particulièrement abondant qui s’est constitué sur une longue période chronologique, et la récurrence de constructions paradigmatiques anciennes, apparaissent comme des critères essentiels de la pérennité de cette médecine.
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La vision d'experts
Il y a quelques mois, Serge Augier précisait lors d'une interview les rouages de la médecine traditionnelle chinoise et ce qui se cache derrière le terme « Taoisme ».
« L’emploi de la dénomination médecine traditionnelle chinoise (MTC) ou de son équivalent anglais traditional chinese medicine (TCM) s’est depuis quelques décennies, largement répandu au point de devenir presque consensuel, pour désigner un système médical qui est né en Chine, s’est diffusé, d’abord dans plusieurs pays asiatiques voisins : Japon, Corée, Vietnam, puis à différentes périodes chronologiques, dans le reste du monde.
L’ensemble des théories et des pratiques qui sont en usage derrière ce terme, sur lequel s’accordent un grand nombre de thérapeutes et de chercheurs, ainsi que l’abondante littérature rédigée dans de nombreuses langues sur ce sujet pourrait conduire à penser qu’on a affaire à une discipline parfaitement circonscrite, ne présentant plus de difficultés de définition.
Cependant, la grande étendue de tout ce qui se rattache de près ou de loin à la médecine chinoise, aussi bien en Chine que dans d’autres pays, et le caractère hétérogène des modes d’exercice, imposent quelques précisions.
Tout d’abord, l'expression médecine traditionnelle chinoise est issue d'une traduction extrapolée du terme chinois zhongyi lorsqu'il s'est agi de traduire des manuels pour les occidentaux, principalement pour désigner le système médical institutionnel qui a été instauré en Chine après 1949. Cette appellation a ainsi été progressivement adoptée après 1950 par les praticien.ne.s et chercheur.e.s occidentaux. Il n’a pas d’équivalent d’un usage aussi répandu, dans la langue chinoise mais sur le plan linguistique, la meilleure traduction du terme chinois zhongyi est tout simplement médecine chinoise.
Le mot traditionnel n'est pas requis.
Cette traduction de médecine traditionnelle chinoise pose problème car elle induit l’idée de transcendance des origines et l’illusion d’une transmission ininterrompue. Elle fonde l’idée d’une rupture entre deux médecines chinoises inconciliables : l’ancienne, impériale et traditionnelle, et la moderne, communiste et coupée définitivement de ses racines.
Or, si les changements survenus au cours du XXème siècle ne peuvent pas être ignorés, il n’est pas certain ni évident qu’ils soient les plus importants de l’histoire de la médecine chinoise ».
Les études obligatoires en Chine
Pour devenir un praticien en médecine chinoise, il faut d'abord passer le Gaokao équivalent au baccalauréat français mais qui n'étant pas un examen mais un concours national s'avère beaucoup plus difficile que le bac. Gaokao est un acronyme.
Puis les choses conséquentes suivent :
Les zhongyi xueyuan 中醫學院 (facultés de médecine chinoise) et les zhongyiyao daxue 中醫藥大學 (universités de médecine et de pharmacie chinoises) forment les étudiants aux grades de xueshi 學士 en 5 ans. Durant la préparation au xueshi, les étudiants reçoivent un enseignement qui comprend environ 3800 heures de cours durant les quatre premières années, la dernière année étant consacrée à une pratique hospitalière à temps complet. Environ 950 heures sont dévolues aux matières générales (langues étrangères, sciences fondamentales…). xueshi est le grade (à peu près équivalent à un Master en France) minimum pour pouvoir exercer la médecine chinoise avec une pratique hospitalière.
Puis, après un concours et trois années supplémentaires, sanctionnées par un examen et la soutenance d’un travail de recherche dans une spécialité, au shuoshi 碩士.
Enfin, après un nouveau concours suivi de trois autres années d’études et une seconde thèse, au boshi 博士 qui conclut donc onze années d’études universitaires.
Ces durées sont identiques pour la médecine occidentale, le choix entre les deux disciplines s’opérant directement à la fin du cursus secondaire.
La médecine chinoise, comme la médecine occidentale, a ses propres hôpitaux, ses instituts de recherches, son académie nationale et son administration centrale, jusqu’au niveau ministériel.
Le reste se répartit entre la médecine chinoise (environ 70 %) et la biomédecine (environ 30 %). Au cours des années ultérieures consacrées à la spécialisation, la proportion entre les deux médecines est variable, selon la spécialité.
Après une formation de base dans l’une ou l’autre, certains étudiants s’orientent vers un cursus appelé zhongxiyi jiehe 中西醫結合 (Combinaison de médecine chinoise et de médecine occidentale).
En France et bien souvent en Europe, beaucoup oublient qu'exercer la médecine chinoise, c'est être avant tout un médecin !
Pour résumer
Alors que les niveaux français de formation en shiatsu sont bien loin des standards japonais (cf. divers articles sur Shiatsu-France.com), ceux liés à l'enseignement de la médecine chinoise dite traditionnelle sont encore plus criants.
Apporter du crédit à une discipline, d'autant plus si l'on souhaite afficher des prétentions en termes de santé ou de thérapeutique, passe obligatoirement par un haut niveau d'exigence dans les études : densité de programme, qualité des contenus pédagogiques, professionnalisme et éthique, expérience et cohérence des discours des enseignants, thématique des stages, réalisme dans la pratique, etc.
Aussi, le shiatsu comme la médecine chinoise ne peuvent se délier de ces éléments incontournables.
Alors que les formations « light » fleurissent avec nombre de personnes qui, faute de clientèle, se positionnent sur l'enseignement dans les écoles.
« Il est probablement plus aisé avec une bonne communication, d'attirer des élèves que des clients » comme le souligne justement Eric Marié.
Lire notre entretien avec Éric Marié
Aujourd'hui, on trouve également pléthore de formations à distance où l'opacité des programmes, la diversité des méthodes proposées et l'objectif des formateurs dirigeant ou enseignant devraient demander une analyse de la part de tout apprenti avant de s'engager.
On ne saurait donc insister sur le fait que les étudiants doivent a minima :
- S'informer : attention aux groupes sur les réseaux sociaux où chacun, étudiant et professionnel se revendiquant parfois comme expert d'un sujet, donne son avis sur le traitement d'un symptôme ou d'une pathologie. Le prestataire de formation respecte-t-il un code de déonthologie en respecte de la législation française. Code de déontologie - quelle déontologie dans la pratique professionnelle du shiatsu ? (shiatsu-france.com)
- Comparer avec un benchmarking des écoles : programmes (cohérence, nbre heures de pratique et de théorie), vérifier l'expérience et la notoriété des enseignants : publications, livres édités, retours d'expérience des élèves alumni, code de déonthologie (se rappeler que le shiatsu a ses limites et ne peut donc pas tout traiter !)
- Réfléchir précisèment à son projet : objectifs de la formation ? durée ? budget ? contenus pédagogiques ? délivrance d'un titre ? Le prestataire de formation a t-il un numéro de déclaration ?
Sources :
© Eric Marié
© www.coursdemedecinechinoise.fr
© Revue Ethnopharmacologia
© Shiatsu-France.com
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